Aberration
Tout est blanc dans Aberration. Le plateau, les objets, les costumes du danseur. Emmanuel Eggermont, à la fois chorégraphe et interprète, évolue seul dans ce décorinstallation immaculé, qui résonne comme une suite chromatique de ses dernières créations : il y a eu le noir de Polis, en hommage à Pierre Soulages, puis le très coloré Méthode des Phosphènes et All Over Nymphéas inspiré de Claude Monet et Jackson Pollock qu’il présentera au Festival d’Avignon en juillet 2022.
Installé au coeur de ce paysage monochrome qu’il traverse, élargit, observe, le corps aux gestes lents, presque religieux, provoque des dérivations architecturales. L’espace se redéfinit sans cesse sous l’action du danseur en constante métamorphose : tout à la fois petit page médiéval, lutin encapuchonné ou statue poudrée.
Trait de craie blanche sur les bras, talc vaporeux, papiers sculpturaux, les matières ne font qu’un avec les lumières changeantes d’Alice Dussart. La partition signée Julien Lepreux, complice de longue date du chorégraphe, ajoute ses notes électroniques baroques à l’atmosphère atemporelle. Cet espace immaculé est à la fois la possibilité d’inscrire les traces des mémoires enfouies et la page blanche d’un futur à réinventer.
Emmanuel Eggermont, longtemps interprète de Raimund Hoghe, le dramaturge de Pina Bausch, continue de construire une oeuvre où la précision des phrases chorégraphiques et les présences puissantes s’accordent à une vision sensible de l’environnement.
Publié le 24/03/2023