Sortir Bordeaux Gironde : La Smala, en quelques mots, c’est quoi ?
Thomas Lafargue
 : J’ai créé cette compagnie hip-hop en 2002 à Saint-André-de-Cubzac après avoir travaillé dans pas mal d’autres groupes où ça manquait de cohésion. La Smala, c’est une compagnie de danse, un crew de battle, une école de danse. Mais c’est surtout une unité, un esprit de famille où chacun partage des valeurs communes telles que l’échange, le partage, le respect. J’ai commencé dans la rue et aujourd’hui, j’essaie de transmettre l’art du hip-hop et la philosophie de la compagnie aux plus jeunes.

Sortir : Vous êtes nombreux ?
T.Lafargue 
: Le groupe est composé de 25 personnes pour une école comptant 50 à 70 adhérents. Léger déséquilibre néanmoins : parmi le groupe, on compte seulement trois à quatre filles... mais la porte est ouverte : chaque personne qui vient peut créer sa place, il suffit d’être motivé.

Sortir : Ça se passe sous nos yeux, c'est le titre du spectacle. Et que se passe-t-il alors ?
T.Lafargue
 : L’idée, c’est de prendre le spectateur à contre-pied, avec une danse plus artistique, moins spectaculaire que lors des battles et un questionnement sur scène : quelle place pour l’artiste au sein de la société ? Pour une première création, pas vraiment le profil que les gens attendent... Au final l'on obtient un spectacle engagé, avec pour vocation d’apporter des solutions. Un spectacle qui  dénonce aussi : on parle beaucoup d’égalité, des droits de l’homme alors qu'actuellement les choses piétinent... par exemple, il y a toujours autant de racisme dans notre société aujourd’hui.

Sortir : Sur scène, vous ne vous cantonnés pas au hip-hop donc...
T.Lafargue 
: On a gardé la base hip-hop, puisque la compagnie est spécialisée dans le B-boying (le breakdance), mais il y a de la danse contemporaine, du slam aussi. Tout au long du spectacle, un lien se crée entre la danse et le slam, l’un mettant l'autre en valeur et inversement. C’est là-aussi que l'on prend le spectateur à contre-pied. Au-delà de la technique, des côtés physique et sportif, il y a une vraie démarche artistique. La musique y est pour beaucoup. Sur scène, on est en transe avec la musique. C’est elle qui développe notre style, elle qui nous guide.

Sortir : ... même si les battles restent votre spécialité.
T.Lafargue
 : Effectivement. Cette année, La Smala a fait troisième du Battle of the year France (l'équivalent des championnats de France) puis finaliste au Contest international Block Party... on a également été sacrés Prince de France en remportant le Circle Prince. Ça nous a permis de faire également pas mal de télé : une finale à l’émission Mascarades de TF1, et puis l'un de nos danseurs Hourth, qui a la particularité d’être unijambiste, est passé dans l’émission Incroyable Talent. On fait aussi des premières parties de concert comme Danakil, Saïan Supa Crew, Disiz La Peste ou Oxmo Puccino…

Sortir : C'est quoi la prochaine marche ?
T.Lafargue
 : On aimerait être soutenu par la municipalité. En dehors du centre d’animation Argonne-Saint Genès, mis à notre disposition, on ne reçoit aucune aide de la part des institutionnels... on a tout créé avec rien, ce sont uniquement les adhérents qui financent la compagnie. Un soutien financier permettrait de se professionnaliser, comme un juste retour des choses après tout l’investissement consenti. D'ailleurs, on a obtenu des résidences partout (Castelnau, Saint André de Cubzac…) sauf à Bordeaux ! Les cultures urbaines ne sont pas reconnues, on doit toujours pousser notre art pour prouver que nous sommes des artistes... car aux yeux des institutions, on reste du divertissement. Tout ça, on le voit à travers le spectacle.