Sortir : Direct la question qui tue : êtes-vous réellement gays ?
Hugues Duquesne (alias Steeve)
: J'ai envie de te répondre "Est-ce que vous êtes vraiment lascars ?" (rires). Non franchement, l'important c'est pas ce qu'on est, c'est ce qu'on dit.

Sortir : Cette rencontre alors, ça s'est passé où ?
H. Duquesne :
Dans une scène ouverte, l'une des plus vieilles de Paris, le Festival International d'Expression Artistique Libre et Désordonné, d'ailleurs créé par notre manager et metteur en scène, Luc Sonzogni... C'est vraiment un lieu de rencontres, pas mal d'artistes sont passés par là, du Jamel Comedy Club par exemple, et Majid (Berhila, son compère) faisait partie de l'équipe d'animations lorsque j'ai débarqué là-bas. En fait, ça a vraiment été un coup de foudre, on a tout de suite kiffé de jouer ensemble, tu vois, comme si on avait l'impression de se connaître depuis 10 ans... Ouais c'est avant tout une rencontre, une envie de partager la scène ensemble.

Sortir : Et pourquoi se l'être joué lascars gays ?
H. Duquesne :
Un soir on était de sortie avec Majid, tu vois on kiffait d'être ensemble sur scène et du coup on tapait des soirées, et donc y'avait un mec sur une des tables plus loin qu'arrêtait pas de nous regarder... Et nous tu vois, on s'est dit ça y est ça va finir en bagarre. Et en fait au bout d'un moment, le mec se lève, vient me voir et dit : "il est trop classe ton blouson, tu l'as acheté où ?" (rires), vraiment genre lascar gay quoi. On s'est dit qu'il fallait absolument reproduire le personnage sur scène ! C'était aussi l'occasion de mettre en vitrine tous les préjugés, toutes les discriminations, de briser tous les codes, la politique, la sexualité... et surtout d'aborder ces sujets de manière détendue histoire aussi de dire "l'important, c'est de vivre ensemble".

Sortir : Pas trop compliqué justement d'évoquer certains préjugés sans tomber dans le cliché ?
H. Duquesne :
On s'est imposé une grosse exigence au niveau écriture pour éviter ces clichés et ainsi s'adresser à un public varié. D'ailleurs c'est trop marrant dans la salle on voit de tout, des gens comme nous, des mamies qui portent la casquette, des gosses qui viennent avec le même survét' jamaïcain que moi... C'est important que dans ce qu'on dit il y ait plusieurs lectures : il faut que les vannes fassent plaisir aux enfants, comme le spectacle rassure quelque part les mamies sur la banlieue.

Sortir : D'ailleurs la cité, c'est du vécu pour toi ?
H. Duquesne :
Je viens de la banlieue lilloise, Douai exactement. Et ouais, j'ai grandi dans le milieu hip hop avec mes potes, tous les codes que je connais viennent de là. Après, tout ce que je reprends sur scène, c'est pas forcément moi directement, c'est aussi tous les gens que j'ai pu croiser pendant cette période.

Sortir : Comment ça se passe alors pour nos deux lascars gays dans la cité ?
H. Duquesne :
En fait eux assument total leur sexualité, ils se comportent comme si tout allait bien, comme si tout était "normal", c'est ça la force du truc ! Tout pourrait s'avérer galère, mais eux vivent leur histoire à fond. Peut-être si Steeve demandait Ryan en mariage, il lui répondrait que c'est chaud par rapport à sa religion musulmane !... Tu vois ce que je veux dire, on décale le problème, histoire aussi de dire "arrêtez, y'a des choses plus graves, plus importantes dans le monde", et même en France. Et puis dans notre société aujourd'hui, c'est un peu diviser pour mieux régner, on essaye de mettre les gens dans des cases... Nous, à travers notre histoire, on démontre qu'on peut se tromper sur les gens, donc qu'il ne faut pas juger les personnes par leur apparence.

Sortir : Et ça fait deux ans que ça dure...
H. Duquesne :
On tourne avec ce spectacle depuis 2010 ouais, on l'a beaucoup travaillé, deux ans en tout avant de se lancer. Et puis derrière, l'émission de Ruquier est arrivée (On ne demande qu'à en rire) : là, on nous donnait des sujets qu'on traitait à notre manière avec nos deux personnages... mais pour le spectacle, on savait déjà où on allait : l'histoire d'amour entre deux lascars, leur vie dans le quartier, à travers un show avec beaucoup de choses, des surprises, d'autres personnages... Et l'étape suivante, c'est un long-métrage, en projet et pour lequel on commence à écrire.