Sortir : Avant tout, tu peux nous dire comment s’est formé ton Crew ?
Thomas Lafargue
 : J’ai créé la Smala en 2002 parce que j’avais envie de retrouver la fièvre du hip-hop, le surpassement de soi, le côté échange aussi… ce que je ne trouvais pas forcément dans les groupes avec lesquels je travaillais auparavant. En fait, j’ai eu envie de monter un groupe fédérateur, une véritable famille, d’où le nom du Crew. Avec Azdine et Andjy, avec qui j’avais l’habitude de danser, on est les trois pionniers. Puis petit à petit, le groupe s’est formé. Et comme Bordeaux est quand même une ville qui bouge niveau hip-hop, des danseurs sont arrivés d’autres villes, avec la même philosophie, la même vision des choses, les mêmes envies que nous. Et voilà.

Sortir : Votre but, c’était de transmettre aux jeunes les valeurs de la culture hip-hop. Quelles sont-elles ?
T. Lafargue :
Il y en a tellement… En fait le hip-hop, c’est évoluer ensemble autour d’une même passion, c’est le partage, l’entraide, l’échange : on se retrouve, on voyage, on sort de Bordeaux, de la France. C’est une vraie opportunité pour des jeunes qui n’auraient pas forcément eu l’occasion de voyager autrement. Et puis on se confronte aux autres groupes, on apprend le surpassement de soi… c’est tout ça le hip-hop. C’est le partage et l’ouverture.

Sortir : Tu peux m’en dire plus sur vos modèles, les gens qui vous influencent au quotidien ?
T. Lafargue :
En fait notre meilleure influence, c’est le Crew, parce que chacun a son identité, on est tous à la fois différents et complémentaires : chacun s’inspire des autres membres du groupe. Mais je ne te cache pas qu’on est aussi influencé par les pionniers du hip-hop américain, mais aussi français, comme Aktuel Force par exemple.


Sortir : Justement le hip-hop en France, c’en est où ?
T. Lafargue :
La France est un des rares pays qui propose des battles pratiquement chaque semaine, et ça se passe vraiment bien. Mais le problème qui persiste, c’est par rapport aux danseurs. La plupart doivent vraiment se battre pour y arriver et réussir à vivre de leur passion. Ils doivent sans cesse être dans la recherche, la performance, toujours prouver que ce qu’ils font a un sens… C’est dur mais il faut persévérer !

Sortir : Et c’est en persévérant que vous avez été champion de France en 2010...
T. Lafargue :
Oui, c’est vrai que c’est un très gros travail. En fait, c’est 10 ans de concessions, d’investissements, d’entraînements... Ce titre est une belle victoire et motive vraiment le groupe malgré les difficultés financières que je viens de t’évoquer. Comme quoi avec beaucoup de travail et de persévérance, on peut tout faire. Nos chorégraphies plaisent et on s’en réjouit.

Sortir : Votre façon de danser changent-t-elle en fonction de l’importance des battles ?
T. Lafargue :
L’objectif premier pendant les Battles, c’est de faire adhérer le public. En plus de ça, il faut faire plaisir aux juges, montrer sa griffe, trouver le bon dosage pour que le show soit le plus parfait possible. Mais quand tu arrives à un certain niveau comme le nôtre, avec environ un battle gagné chaque week-end en 2010, c’est pas toujours évident d’innover, de ne pas refaire les mêmes choses. Après c’est à nous de gérer et de savoir à quels battles ont veut  se donner davantage… On fait tourner les effectifs, on va décider de mettre l’accent sur tel ou tel évènement pour telle ou telle raison. Après, c’est sûr qu’affronter les grandes équipes, c’est une source de motivation pour laquelle on a encore plus envie de se dépasser.

Sortir : Vous n’avez finalement pas participé aux Vibrations Urbaines, contrairement aux autres années…
T. Lafargue :
C’est vrai qu’on a participé plusieurs fois aux VU, on a d’ailleurs souvent été jusqu’en demi-finale, mais on ne les a jamais gagnées. Ce n’est pas un battle qui nous a forcément réussi, mais bon c’est comme ça, c’est très aléatoire et ça dépend aussi du jury. A part ça, on a quand même gagné la plupart des battles en Aquitaine, donc on est ravis.

Sortir : C’est quoi la prochaine étape ?
T. Lafargue :
Repartir aux Championnats du monde, faire des battles à l’étranger, s’imposer sur la scène internationale... Assurer la relève en gardant la même pédagogie, continuer à véhiculer nos valeurs, prendre du plaisir et en donner. Et aussi plus concrètement créer un évènement pour les 10 ans de la Smala, suivant toujours cet esprit d’échange.