Sortir Bordeaux Gironde : Qu'est-ce qui cloche avec ce film ?
Ovidie
: Le problème provient plus des personnes qui l'ont réalisé (Ovidie donc, et Jack Tyler) que de son contenu. Ce film, c'est un scénario d'une centaine de pages, plusieurs mois de préparation et près d'un mois de tournage, là où un porno est bouclé en 3 ou 4 jours. Or, un film peut légitimement prétendre au classement "moins de 18 ans", en dépit de passages plus explicites, s'il a une vraie prétention cinématographique, sans aucune visée masturbatoire. D'ailleurs, les gens qui l'ont vu ne comprennent pas ce qu'il peut y avoir de polémique et dangereux dans ce film... il n'y pas d'obscénités, rien de subversif ou de sulfureux.

Sortir : Ovidie, ça fait désordre...
Ovidie
: Clairement. C'est pas le film qui est condamné, c'est mon CV : pas la Ovidie qui a écrit 8 livres ou qui gère la programmation d'une chaîne de télé, mais Ovidie l'actrice porno. Regardez le passif : un film comme Shortbus, avec la même proportion de sexe, est passé. Mais à part quelques rares exceptions, c'est souvent compliqué d'obtenir ce classement : pour Baise-moi par exemple, le CNC a brandi le drapeau de la violence, encore un prétexte bidon...

Sortir : Comment expliquer cette censure ?
Ovidie
: La France curieusement, c'est à la fois un pays ouvert et très segmenté : quand on est catalogué dans un secteur, difficile d'en sortir. La preuve aujourd'hui, le film va être classé X : en d'autres termes, on nous signifie clairement qu'on ne veut pas de nous dans les hautes sphères du cinéma respectable, genre "restez dans votre ghetto"... on nous traite à la manière d'une pute de port de pêche. En comparaison, le film a été projeté à Berlin, au Danemark, même en Suisse francophone, et dans les milieux du cinéma, les gens sont attérés par le fait qu'une commission française puisse interdire ce film. Déjà à la base la restriction "moins de 18 ans" est handicapante car derrière, 99% des salles nous refusent, donc là, avec l'interdiction... par contre le film sera distribué en DVD et projeté dans le cadre de festivals.

Sortir : En quoi votre film est si différent ?
Ovidie
: L'idée consiste à parler de sexe de la manière la plus simple possible, montrer une sexualité réaliste, quelque part entre l'idéalisme des films classiques et le contexte irréel du porno. Le porno représente toujours le sexe de façon performante, avec des pratiques qu'on ne fait pas chez soi... en clair, dans le X, le but c'est l'excitation. Là, le film n'hésite pas à montrer des gens en situation de faiblesse, une femme ne parvenant pas à jouir ou un homme en panne d'érection, mais aussi à travers leur relation, dans le dialogue ou des expériences, par exemple une scène de jalousie en plein plan échangiste.

Sortir : La réalisation, ça n'a rien de nouveau pour vous.
Ovidie
: Je réalise des films depuis 10 ans. J'ai d'abord été actrice, mais pratiquement directement, au bout d'un an, je suis devenue réalisatrice... un moyen de m'exprimer et de changer certaines choses, vers le public féminin notamment : des films pornos réalisés par des femmes, ça n'existait pas, il était donc important de proposer quelques chose qui leur ressemble un peu plus. La libération de la femme ne peut se faire sans passer par la libération sexuelle.

Sortir : On vous dit pédagogue...
Ovidie
: Dès 2002, j'ai commencé à m'intéresser à la pornographie éducative, entre long-métrages et programmes d'éducation sexuelle pour la télévision : ça a abouti à la création de FrenchLover TV, dont je m'occupe de la programmation (son activité principale). J'ai également écrit pas mal de bouquins sur le sujet.

Sortir : Un parcours totalement atypique dans ce milieu.
Ovidie
: C'est bien pour ça que j'ai d'autant plus les boules qu'on réduise l'intégralité de mon CV aux films que j'ai pu faire à 19-20 ans (elle en a 29 aujourd'hui) ! Maintenant pour le film, on va faire une requête auprès du Ministère de la Culture en attendant un miracle...