Tu mourras moins bête
C'est à l'intention de tous ceux qui se sont un jour posés des questions sur le fonctionnement scientifique qui sous-tend nombre de films (notamment de science-fiction) et de séries contemporaines que Marion Montaigne a, d'abord sous forme de blog et aujourd'hui au travers d'un album, conçu les aventures de la prof Moustache.
Imaginez une version petite (et moustachue donc) du docteur Emmet Brown de Retour vers le futur. Le genre à mettre son nez partout dès qu'une question plus ou moins scientifique se pose, pour en ramener l'explication à son lecteur. À grands traits de dessins simples mais très explicites, bourrés de références et de clins d'oeil, la jeune auteure dézingue les pseudo-vérités détournées à bon compte pour les besoins de réalisateurs ou de narrateurs pour le moins arrangeants avec la vérité scientifique.
Petit florilège des cours proposés dans ce premier album : les blessures par balle dans les films (ou comment montrer qu'une balle, ça tue aussi parce que c'est sale), chuter du Golden Gate (avec exemple de catapultage de hamsters à l'appui), respirer du liquide comme dans Abyss (comment mettre le capitaine Haddock en pétard), peut-on stopper un astéroïde (Armageddon, c'est du bidon), hiberner dans l'espace (prévoir graisses en suffisance), les Experts à la télé (Horacio Caine en prend pour son grade) ou encore avoir son doctorat en regardant Grey's anatomy (comment reléguer Meredith et sa bande de copines nunuches au placard en deux temps, trois mouvements). On l'avoue, difficile de lever le nez de l'ouvrage une fois qu'on y a plongé les yeux. Marion Montaigne dézingue joyeusement les contre-vérités scientifiques véhiculées par les images modernes à l'aide d'une humour connaisseur, potache, malin et surtout ravageur. Vivement la suite !
The Grocery
Ceux qui ont lu Doggybags, déjà chez Ankama, n'auront sans doute pas oublié son nom. Guillaume Singelin y signait un âpre récit de motards lupins et violents qui donnait, à lui tout seul, le ton de l'ouvage. Ici, avec Aurélien Ducoudray au scénario, il donne vie à un récit contemporain incroyablement tendu et réaliste sur fon d'Amérique déclinante.
Elliott vient de s'installer avec son père, épicier, dans la ville de Baltimore. Le petit garçon, studieux et travailleur, se lie avec Sixteen, enfant du quartier qui lui apprend vite les ficelles de la vie sur place. Les années passent et Ellis One, ancien caïd local sort de prison pour instaurer dans le quartier un règne de terreur... et reprendre en main les trafics de son territoire. Incroyablement dur et pourtant pétri d'humanité l'ouvrage dresse en filigrane le portrait d'une Amérique un peu perdue et entre le regard international (via les interventions militaires internationales) et la vie très locale (celle d'Elliott et de son quartier), c'est un portrait noir qui se dégage de l'ensemble.
Ultraviolent, extrêmement contemporain (nourri du travail et de l'expérience d'Aurélien Ducoudray journaliste et scénariste – jetez aussi un œil à la petite pépite que constitue son Championzé avec Vaccaro chez Futuropolis -) et jouant habilement du contrepied entre des dessins un brin simplistes et des scènes très dures, ce premier tome fait entrer de but en blanc dans une narration âpre, à mi-chemin entre le polar tarantinesque et la chronique sociale version Spike Lee. Une belle claque dont on attend forcément la suite.