Jazz en itinérances

Le trio Moon Hooch a mené de front grande institution musicale (New School of Jazz de New York) et école buissonnière (métro et rue). De cette double éducation, Moon Hooch extrait un jazz hâbleur qui se frotte aux musiques urbaines et à la fougue des nouveaux brass bands style Lucky Chops. Terriblement accrocheur, Moon Hooch peut hérisser les puristes et donner l’impression d’encapsuler le jazz dans des rythmiques imposées par le rap, la house, le dubstep. Mais c’est sans compter le talent de performeurs de ce trio qui parvient à faire sortir la loco de ces aiguillages sans pour autant faire dérailler le bazar.

Le quartet toulousain Pulcinella œuvre depuis une quinzaine d’années dans un registre jazz plus bigarré que crossover. Difficile à définir mais pas à suivre, Pulcinella embarque pour l’Inde, les Caraïbes, l’Europe, pour faire voyager un jazz qui reste le véhicule, le moteur et l’essence du projet. Sax, accordéon, percussions, voix, contrebasse et une kyrielle d’instruments (du tampora électrique au métallophone en passant par divers objets détournés) sont au service de ces improvisateurs et dynamiteurs de première classe. Astucieux et malicieux, Pulcinella n’en oublie pas pour autant l’importance du groove et le sérieux de la démarche.

Orient, Londres, trompette. Il serait injuste de réduire Yazz Ahmed dans un raccourci Ibrahim Maalouf/Sons of Kemet. Originaire de Bahreïn, installée à Londres, Yazz Ahmed funambule sur les lignes de crêtes stylistiques (jazz, electro, oriental) sans chercher à aplatir les spécificités de chacun. Repérée par le monde de la pop (Radiohead, Lee Scratch Perry, The New Puritans) Yazz Ahmed est également reconnue par la scène jazz londonienne. Elle n’a eu aucun mal à convaincre Shabaka Hutchings et Lewis Wright de participer à son dernier album où règnent fusion et harmonie.