David Bobée, du plus petit au plus grand

Pour son premier spectacle consacré aux jeunes spectateurs, le metteur en scène arrivé au Théâtre du Nord en début d'année fait appel à son complice Ronan Chéneau. L'auteur déploie un texte malin et profond, usant habilement des mots des enfants pour construire une démarche intellectuelle fine. Autour de la recherche de Lohick, Orlande et Hardy de « la plus belle couleur du monde de tous les temps » pour redécorer leur appartement, le spectacle dessine la construction d'une réflexion chez les personnages... qui fait écho dans le public. Sur scène, trois comédiens et beaucoup de couleurs pour parler de la diversité chromatique, des sensations que chacune peut véhiculer, de ce qu'elles portent, mais aussi de la notion de beau et son universalité et bien plus. Le plateau, envahi de projections et d'éclairages reflète ce périple coloré autant qu'il immerge public et comédiens dans un kaléidoscope d'images soutenant avec force le propos du texte. Entre fable coloré et exercice philosophique, David Bobée dessine un chemin partageur et curieux qui vise à favoriser la réflexion autant que l'émerveillement.

Quelques jours plus tard, pour faire la jonction entre 2021 et 2022, c'est sa version de Peer Gynt qui s'installe au Théâtre du Nord. Du texte d'Henrik Ibsen, le metteur en scène tire une épopée moderne et intense emplie d'échos contemporaine, traversée d'autant de rêves que d'une puissante quête intime autant que vaine. Sur scène, le jeune Radouan Leflahi porte le personnage de l'arrogant garnement avec une constance solide au travers des péripéties et des années. Le plateau, devenu cœur d'une fête foraine déserte, forme un creuset bigarré qui enrichit le texte autant que les disciplines que David Bobée fait se croiser sur scène, à la confluence du cirque ou de la danse. Peer, vagabond perpétuel, métaphore d'une humanité contemporaine, fait, en se cherchant, l'expérience de la diversité, de la différence et du regard hostile des autres au fil d'un morceau de bravoure de près de 4 heures qu'accompagne la musique en direct de Butch McKoy. A une autre échelle mais avec une démarche similaire à Ma couleur préférée, le spectaculaire y est au service de la réflexion, de la profondeur mais aussi d'une poésie et d'une énergie communicatives.