Scott Kelly trimbale son histoire tatouée sur le moindre millimètre carré de son épiderme. Quand il prend la parole, les poils se mettent au garde à vous. En marge du metal avant gardiste de Neurosis, Scott Kelly débranche les amplis et gratte ses cordes vocales gutturales sur une vieille râpe folk. Basique, Scott Kelly conserve l'aspect frontal de Neurosis dans un corps à corps en tête à tête intimiste. Autre barde post-apocalyptique, le belge CHVE (Colin H. Van Eeckhout) échappé solitaire d'Amenra, livrera les premières pistes d'un futur album puisant dans les chants médiévaux, obscurs, occultes et bourdonnants.

D'abord plus classique, l'américaine Shannon Wright semble parcourir le chemin inverse. Entrée par la grande porte critique dans l'univers fermé des « songwriteuses » à la Joni Mitchell, Lisa Germano ou Chan Marshall ; Shannon Wright semble revenir à ses premières amours aux arcs et flèches électriques. Sonic Youth, Slint, Blonde Redhead reviennent en mantra au service d'un sad-folk écumant sa rage dans le transformateur. Folk-core ?

D'ascendance marocaine et de culture berbère, Hindi Zarha est avant tout citoyenne du monde, mêlant anglais, berbère, darija, français. Musicalement, les pulsations d'Hindi Zarha penchent largement pour les folks de Bob Dylan, Karen Dalton mais aussi les grands auteurs jamaïcains. En ouvrant ces cadres assez balisés aux musiques orientales, Hindi Zarha funambule sur le tranchant de la world et du trad. Plus intime que Natacha Atlas, Hindi Zarha semble préférer les branches aux racines.

La légende dit que Christine Salem naquit un 20 décembre, date emblématique célébrant la fin de l'esclavage sur l'Ile de la Réunion (1848). Les faits attestent que le maloya, blues de transe local, fut interdit de représentation publique sur l'ile jusqu'en 1981 ! Christine Salem ne pouvait qu'embrasser ce « mauvais-genre » revendicatif vecteur de danses lascives, aux propos subversifs et grivois, toujours suspect de sorcellerie...bête noire de la bien-pensance blanche, comme le furent le jazz, le rhythm'n'blues, le rap. Coupe à la Angela Davis arborée avec élégance, Christine Salem est aujourd'hui une des plus fidèles ambassadrices du maloya, tant sur le plan instrumental que du contenu.

The Tallest Man On Earth est suédois. Mais cela n'a pas grande importance. Le folk de Kristian Matsson est d'adoption plus que d'emprunt. Se rêvant crânement en géant, c'est dans les pieds du commandeur Bob Dylan que The Tallest Man On Earth pose ses petits petons. Pas manchot à la guitare, sachant habiller de sa voix un dénuement musical assumé, ce folk millésimé s'adresse à tous ceux qui sont nés du mauvais côté du Village et de l’Atlantique. Un écho fantasmé tellement fidèle aux origines que The Tallest Man On Earth est parvenu à être repéré par les radars de Bon Iver.