Sortir : La Cie BVZK est en ce moment en résidence à Harnes, quelles actions y sont menées ?

Nora Granovsky : Nous sommes à Harnes depuis maintenant deux ans. Après un temps de découverte et d'apprentissage mutuel, la compagnie y a créé le spectacle Le moche en octobre 2010 puis nous y avons repris le spectacle Anywhere out of (avec l'harmonie municipale en octobre 2011). Au fil du temps, nous avons aussi initié un travail avec le Centre Communal d'Action Social ; le collège Hugo et un foyer de personnes âgées. En lien avec la ville, un projet est né : Ma vie, ma ville qui visait dans un premier temps à recueillir la parole des habitants de la ville avant de la porter sur scène au travers d'un spectacle. Nous avons par exemple travaillé avec l'école des consommateurs, une structure qui accompagne des publics en grande difficulté sociale. Le spectacle est né en octobre 2011, après une belle série de rencontres et d'échanges. Nous sommes une petite équipe, il n'y a qu'un coordinateur sur le terrain en plus de moi, mais il demeure très important à mes yeux que la compagnie puisse garder une place pour des projets et des démarches comme celle-ci.
En outre, Le Moche faisait partie en 2011 de la sélection des spectacles accompagnés à Avignon par la région Nord-Pas de Calais où il a rencontré un très beau succès tout au long du festival (2000 spectateurs en 117 représentations).


Sortir : Et pour 2012 quels sont vos projets sur Harnes ?

web Granovsky BVZK Harnes.jpgN. Granovsky : Le projet Ma vie, ma ville se poursuit et j'ai envie de créer encore des rencontres. Nous allons travailler avec Christophe Leroy pour proposer une exposition autour de la ville d'Harnes et de ses habitants. Des lieux de la ville représentés sur des images anciennes seront photographiés aujourd'hui et des habitants poseront avec des objets significatifs. Les images seront mises en relation avec des textes d'habitants. Des boîtes à mots, disposées en ville, recueilleront des textes d'habitants (l'idée, c'est de faire faire de la poésie aux habitants sans qu'ils ne s'en rendent compte !). De mon point de vue, une compagnie en résidence ne doit pas être là simplement pour profiter des équipements d'une ville mais pour rencontrer, travailler, proposer des choses avec les habitants. L'implication de la population est importante. Notre travail dans ce cadre, c'est d'être force de proposition. Pour aller plus loin, un grand rassemblement devrait aussi voir le jour sous forme de parade collective. Une façon aussi de montrer qu'on peut donner quelque chose à sa ville, la rendre belle et faire, à sa façon, un peu d'art. Je rêve aussi de l'édition d'un livre pour garder une trace de tout ça. Mon but, c'est aussi de faire rayonner la ville d'Harnes. En cela, j'ai tout de suité été suivie par Yorick Kubiak, de l'harmonie municipale qui est un vrai soutien et un vrai relais sur le terrain.

Sortir : Cette présence sur le terrain, c'est important pour vous ?

N. Granovsky : Très, même si ce n'est pas facile d'avoir une présence continue sur place et qu'il est parfois difficile de faire comprendre qu'une résidence n'est pas synonyme d'emménagement permanent. C'est une implication concrète et forte pour la compagnie et il est important que cela débouche sur du solide. Une résidence, c'est un moment particulier pour une compagnie, il faut aussi que ça le soit pour la ville qui nous accueille. Toutes n'y sont pas forcément préparées mais c'est pourtant un enjeu essentiel à l'heure où, par exemple, on parle de l'arrivée du Louvre-Lens sur un territoire peu occupé par la culture, en dehors du travail effectué par Culture Commune. Il faut que les politiques soient sensibilisés à cette question, c'est primordial. Pour la compagnie, cette résidence, c'est aussi une façon de grandir, de se développer avant une nouvelle étape.

web granovsky bvzk anywhere out of.jpgSortir : Justement quelle suite pour la compagnie ?

N. Granovsky : BVZK sera compagnie associée à la Comédie de Picardie en 2012, 2013 et 2014. Cela nous donnera la possibilité de créer dans de bonnes conditions et de bénéficier d'un accompagnement pour la communication, la diffusion et la mise en valeur de notre travail. En outre, c'est aussi stimulant de travailler pour une « grande » maison. Notre travail bénéficiera d'un vrai soutien, ce qui est parfois compliqué ailleurs. À l'automne, nous créerons au théatre Vidy-Lausanne le spectacle Chien, femme, homme d'après le texte de Sibylle Berg encore jamais monté en France. La compagnie gardera toutefois un ancrage régional en travaillant aussi sur des lectures-spectacles. Il est important de pouvoir mener les projets auxquels on tient, c'est ça qui me fait avancer : Le moche a été créé en 12 jours, c'est peu, j'aurai pu tout laisser tomber mais on s'est lancé et j'en suis très contente. Ca ne veut pas dire que le spectacle soit parfait, ça veut dire que j'avais besoin de le faie à ce moment-là et que je suis contente de l'avoir fait naître. Le travail avec la comédie de Picardie me permettra d'explorer des pistes nouvelles, avec une échelle différente et c'est une étape importante pour la compagnie, ce n'est pas pour ça que BVZK perdre contact avec le terrain et les gens, au contraire. Cela fait peut-être beaucoup de projets à mener de front, mais même si c'est parfois fatigant, c'est un moteur essentiel aussi.