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Le disque c’est chic

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Dans un monde de streaming, dresser un panorama artistique à partir d’un objet aussi désuet que le disque et de ses tops de fin d’année s’impose ? Top là !

Donné pour mort, le disque reste encore un faire-part de naissance artistique incontournable. C’est toujours lui qui demeure la trace indélébile, qui fixe, grave, concrétise les intentions des musiciens. Avec ses qualités et ses contraintes, le disque reste une forme d’étalon. En perte de vitesse en termes de consommation, il demeure l’un des meilleurs gabarits pour apprécier et distinguer les artistes. Alors, que s’est-il passé de si intéressant en 2021 dans le monde des albums ?

Rarement les femmes auront été aussi distinguées dans les classements critiques. Adele, Taylor Swift et Billie Eilish évidemment, mais aussi les percées très remarquées de Little Simz « Sometimes I Might Be Introvert » (hip-hop), St. Vincent « Daddy’s Home » (pop arty), Arlo Parks « Collaspsed In Sunbeams » (soul-pop), Japanese Breakfast « Jubilee » (synth-pop), Jazmine Sullivan "Heaux Tales" (neo-soul), Snail Mail « Valentine » (indie-pop), Self Esteem « Prioritise Pleasure » (riot-pop), L’Rain « Fatigue » (alt-RNB), Lucy Dacus « Home Video » (songwriter).

Autre percée, celle des artistes explosant et explorant les codes. L’incroyable succès critique de Floating Points, Pharoah Sanders & The London Symphony Orchestra avec « Promises » (post-classical) semble avoir attisé la curiosité de beaucoup vers des bizarreries comme Lingua Ignota « Sinner Ready » (messe-sombre), Nala Sinephro « Space1.8 » (ambient-jazz) ou encore Claire Rousay (ambient-landscape).

Si les musiques urbaines sont devenues le genre dominant des charts, avec les inévitables tendances à la standardisation qu’impose le marché, on remarque surtout une énorme créativité chez des artistes évoluant dans le périmètre RNB, rap, soul. On a déjà cité les filles Little Simz, Jazmine Sullivan et L’Rain, chez les garçons c’est le carton plein pour Tyler The Creator « Call Me If You Get Lost » (rap) et Lill Nas X « Montero » (rap). Ca gratte à la porte pour Mach-Hommy « Pray for Haiti »(rap), Armand Hammer and the Alchemist « Haram » (rap), Deacon « Serpentwithfeet » (RNB), Genesis Owusu « Smiling With No Teeth » (neo-soul), Hiatus Kaiyote « Mood Valiant » (neo-soul). Dans une veine plus expérimentale Moor Mother « Black Encyclopedia of the Air » (rap) et Arca « Kick iii » (post-RNB) œuvrent déjà pour le futur.

Le rock et la pop se maintiennent. Squid « Bright Green Field », Dry Cleaning « New Long Leg » et Black Country, New Road « For The First Time » trustent le podium post-punk alors qu’Amyl & The Sniffers « Comfort to me » décape le punk-rock. Sur le versant classic rock The War on Drugs « I Don’t Live Here Anymore » et Nick Cave & Warren Ellis « Carnage » tiennent la boutique.  Côté metal on reste bluffé par la santé de fer d’Iron Maiden « Senjutsu », la régularité dans la singularité de Mastodon « Hushed and Grim », les effluves hardcore de Turnstile « Glow On», la furie noise de The Armed « Ultrapop ». Pour les pas de côté, on peut toujours compter sur ces bons vieux Low « Hey What » (alt-slowcore), le retour de Liars « The Apple Drop » (art-rock) ou Dean Blunt « Black Metal 2 » (psyché-contemporain) et surtout les surtensions de Black Midi « Cavalcade » (prog-nerveux).

L’electro irrigant bien des styles, on l’oublie un peu en tant que genre à part entière. Contre l’oubli, For Those I Love « For Those I Love » (UK-House), Bicep « Isles » (garage-foutoire), Tirzah « Colourgrade » (minimal), RP Boo « Established » (footwork), Eris Drew « Quivering In Time » (deep house) jouent la postérité.

Regain de vitalité pour le jazz notamment par les versants fusion et crossover. On y retrouve BadBadNotGood « Talk Memory », John Carroll Kirby « Septet », Theo Croker « Blk2Life/A Future Past » et bien évidemment Sons of Kemet « Black to the Future », Anthony Joseph « The Rich Are Only Defeated When Running for Their Lives » ou la nouvelle révélation UK jazz Chelsea Carmichael « The River Doesn't Like Strangers ». Sur des terrains moins balisés on retiendra Eivind Aarset / Eivind Aarset 4-Tet « Phantasmagoria or a Different Kind of Journey », Luke Stewart & Jarvis Earnshaw Quartet « Luke Stewart & Jarvis Earnshaw Quartet », Chris Corsano / Bill Orcutt « Made Out of Sound » et Vijay Iyer, Linda May Han Oh & Tyshawn Sorey « Uneasy »

Et la France dans tout cela ? Restons en jazz pour une très belle cuvée pour des artistes aussi différents qu’Airelle Besson « Try ! », Thomas de Pourquery Supersonic « Back To The Moon », Sophia Domancich & Simon Goubert « Twofold Head », Edward Perraud « Hors Temps » et _UNK « Now_». Le rap en force avec des profils aussi divers que SCH « JVLIVS II», Orelsan « Civilisation » et des révélations comme Lala &ce « Everything Tasteful », Ichon « Encore + pour de vrai », Ziak « Akimbo ». Le repris de Justice, Gaspard Augé « Escapades » (french-touch nostalgique) et le lillois Myd "Born a Loser" (electro) s’offrent une belle visibilité à l’internationale. La Femme « Paradigmes » (rock-chanson) et Feu !Chatterton (chanson-rock) ont brillé. Juliette Armanet « Brûler le feu » (chanson-soul) et Clara Luciani « Cœur » (chanson-pop) rehaussent le ton de la variété. Laura Cahen « Une fille »,Malik Djoudi « Troie » et Léonie Pernet « Le Cirque de Consolation » distinguent la pop de chez nous. Le meilleur pour sa fin, Mendelson « Le Dernier Album » (rock) tire sa révérence, poignant à tordre le coup de n’importe quel chant du cygne.

Pour 2022, formulons le vœu de pouvoir écouter ces artistes sur scène.

 

Publié le 21/12/2021 Auteur : Bertrand Lanciaux


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