Sortir : Il paraît que tu cumules deux métiers, éducateur et humoriste ?
Kheiron :
Non, j’ai arrêté le premier pour me mettre à fond dans ma carrière d’humoriste… J’ai été éducateur 4 ans en Seine-Saint-Denis, agent de prévention et d’éducation dans les collèges : je m’occupais des enfants exclus (au sens premier du terme), notamment à leur retour, afin de rattraper le retard, gérer la rancœur envers le prof concerné, faire accepter la sanction… en l’occurrence, on mangeait ensemble le midi, un moment important : une heure pour déceler les problèmes de chacun, un vrai travail psychologique, on parlait de tout et de rien... Du coup, je suis devenu très observateur, et on retrouve ça sur scène, ce côté très alerte et communicatif.

Sortir : C’est vrai que t’es plutôt bien branché impro…
Kheiron :
C’est ça, c’est ce qui me caractérise, c’est ma force. En fait, j’ai été amené à improviser sur scène parce que j’oubliais souvent mes textes, y’avait pas moyen de les apprendre par cœur !... et au final aujourd’hui, c’est quelque chose que je maîtrise.

Sortir : Du coup, ça crée de l’échange avec le public.
Kheiron :
Tout dépend de lui en fait et le but, c’est de le faire participer le plus possible : en gros, je dispose de 55 minutes à une heure de spectacle et je suis entre une heure vingt et vingt-cinq sur scène… ça laisse un bon quart d’heure d’impro, du coup je donne l’opportunité aux gens de prendre la parole, je pose des questions, je parle de moi aussi, de ce qui m’est arrivé dans la vie. Moi, je suis honnête sur scène, tout ce que je raconte est vrai : c’est le secret pour amener les gens à se livrer, répondre à des questions très intimes.

Sortir : Faire des blagues, t’en faisais dès tes débuts sur scène en fait, mais au sein d’un groupe de rap…
Kheiron :
Ouais, j’ai commencé par le rap quand j’avais 16/17 ans… D’ailleurs, je m’y suis remis, je prépare un album pour l’année prochaine. On avait un groupe avec des potes, on a joué avec les Sniper, La Brigade (…), tous les gens de l’époque ont chanté avec nous. Et puis on était jeunes, immatures et le groupe s’est dissous. Mais ouais, je faisais beaucoup de battle à l’époque : dans le rap, y’a un rapport très frontal, très performer sur scène. Du coup entre les chansons, j’ai toujours été marrant, taquin, histoire d’attaquer avec des vannes.

Sortir : Et comment ça s’est passé le passage au stand up ?
Kheiron :
Un jour, j’ai rencontré Smaïn avec Novo, qui joue également dans Bref, il nous a branchés pour faire un sketch sur nous, les rappeurs, mais loin des clichés… ça l’a bien fait, du coup il a fait un essai : le fait de voir Smaïn sur scène avec mon sketch, je me suis dit « je peux le faire ». Derrière, mon pote Yacine (passé également par le Jamel Comedy Club) me file une VHS de Jerry Seinfeld : là, je me dis c’est le stand up. Et puis c’est la rencontre avec Kader Aoun (producteur du Jamel Comedy Club) : j’y vais faire un essai et juste après il me dit « bienvenue dans la troupe ».

Sortir : Et après Jamel, ton propre spectacle.
Kheiron :
Je voulais faire un spectacle, mais comme je suis très rigoureux, j’ai beaucoup testé mes blagues à droite à gauche… j’ai gardé tout ce qui marchait vraiment, y’avait trois heures. Et puis j’ai encore épuré le truc jusqu’à 55 minutes : le meilleur de 4/5 années de stand up, en me focalisant sur l’efficacité. Y’a des artistes qui montrent la diversité de leurs qualités, la musique, l’émotion etc, moi je mise tout sur le stand up : mon objectif, c’est le rire, je veux que les gens disent en sortant « j’ai mal aux joues ».

Sortir : Bon, je peux pas te lâcher sans que tu m’aies parlé de Bref…
Kheiron :
C’est simple, c’est une aventure de potes, rencontrés sur scène. Quand l’un d’entre nous à un projet, il appelle les autres pour participer. Là c’était Kyan (Khojandi, créateur de la série) et Novo (son frère), on a fait ça en une après-midi… et puis quand on est passé au Grand Journal, on était super contents. D’ailleurs pour le premier épisode, j’étais à Jerba pour un spectacle et j’avais coupé mon portable… Quand je l’ai rallumé, j’avais 3000 messages Facebook, 7000 notifications Baise-la, Baise-la, Baise-la ! Tu vois, on n’avait même pas changé nos blazes et tout…

Sortir : Justement, Bref s’est terminé l’été dernier, ça en est où ?
Kheiron :
Kyan et Novo sont en train d’écrire le film : s’il est bon, on le fera, s’il est pas bon, on le fera pas.

Sortir : Et pour toi, c’est quoi les ambitions pour la suite ?
Kheiron :
Ma seule ambition, elle est sur scène, je veux avoir un spectacle qui défonce. Le reste, je le fais si c’est intéressant, je juge pas le truc d’un point de vue financier. Par exemple, on m’a proposé 4 films : j’en ai gardé un où j’ai un petit rôle, avec Max Boublil, Sandrine Kiberlain, Ari Elmaleh… je fais les choses par envie. Je participe aussi au Comedy Trip au Théâtre de 10 Heures à Pigalle : pour 5 euros, tu vois un tas d’humoristes comme Baptiste Lecaplain qui viennent tester leurs blagues… ce sont les artistes du futur.